, confie Marc Lavoine.
L’acteur et chanteur Marc Lavoine connaît un succès de librairie avec
L’homme qui ment, le récit de son enfance dans les années 1960. Pour Pèlerin, il évoque ses souvenirs, sa foi, ses engagements. Une vie qu’il conçoit comme un chemin.
Créé le 30/03/2015
Pèlerin. Vous venez de publier L’homme qui ment, où vous racontez votre enfance à Wissous, en banlieue parisienne (Essonne). Pourquoi avoir ressenti, à 52 ans, le besoin d’écrire ce livre ?Marc Lavoine. Un jour, un autiste que je connais a eu cette magnifique expression : « J’ai vidé ma montre. » Écrire sur mon enfance revenait à vider ma montre : digérer le temps qui passe, l’accepter peut-être. J’ai toujours eu envie d’écrire sur ma famille. Je l’avais déjà fait en chanson, avec Reviens mon amour, après la mort de mon père. C’était un exutoire qui s’est révélé douloureux. Une chanson vous est renvoyée sans cesse, lorsqu’elle passe à la radio ou lorsqu’il faut la chanter sur scène… Un livre est un objet différent. Il ne m’appartient plus et trouve son écho dans l’intimité de chaque lecteur. Au-delà de mon histoire, je parle de choses qui touchent tout le monde : la famille et ce qui nous relie les uns aux autres.
► Vidéo.Marc Lavoine rencontre le succès en librairie. Source : BFM TV.
Le portrait de vos parents est haut en couleur : un père militant communiste et coureur de jupons, une mère fragile mais déterminée… Quel rôle ont-ils joué ?M. L. Mon père portait les drapeaux, les espoirs, les rêves, et ma mère tenait l’édifice de la famille… Sa parole à elle passait par ses silences et ses actes. Écrire était une façon d’avoir une conversation avec eux par-delà la mort. Il y a l’absence, le chagrin, mais j’aime l’idée que quelque chose continue.
Vous racontez qu’à l’âge de 5 ans, vous demandez à aller au catéchisme. Au vu des convictions de votre père, votre mère vous conseille de croire en cachette. Quelle place occupe la foi dans votre vie ?M. L. J’aborde cette foi de façon naïve… Elle est là, bien présente. Ce n’est pas la compréhension qui m’importe mais l’émotion qu’elle suscite, une vibration que je n’arrive pas à nommer. Cette force m’aide chaque jour à me lever et à aller à la rencontre des autres. Je n’ai pas de mots assez justes pour parler de ce mystère, de cet éblouissement. Je vais souvent à l’église, pour la messe ou seulement allumer des cierges… J’aime la Parole partagée mais aussi les silences et les murmures des prières.
Vous-même, comment priez-vous ?M. L. Je ne connais pas de prières… Difficile pour moi de réciter le Notre Père ! Je suis dans un cheminement très personnel dont je ne veux pas parler, car je ne peux le partager qu’avec Dieu. C’est précisément cette intimité avec Dieu qui constitue, en partie, ce que je suis aujourd’hui, m’aidant à être plus présent aux autres.
Ma foi est étroitement liée à la Vierge Marie parce que c’est l’héritage de ma mère.Je suis aussi fasciné par le Christ, cet homme dont la richesse était de ne rien posséder.
Vous êtes marié depuis vingt ans avec Sarah, dont vous avez trois enfants. Que représente la famille pour vous ?M. L. C’est une nouvelle page à écrire chaque jour. Le couple est un chemin. Je crois en Dieu, alors que sa présence n’a jamais été prouvée… Pour moi, l’amour c’est pareil : j’ai cette foi, comme un appel, une tentative irrépressible. Quant à mes quatre enfants (Marc Lavoine a un fils d’une précédente union, NDLR), j’apprends autant d’eux que ce que je peux leur apprendre. Être père, c’est un chantier permanent où l’on doit accepter de se tromper parfois et de se remettre en cause.
Vous écrivez, chantez, jouez au cinéma et, en septembre 2015, vous serez au théâtre, dans Le poisson belge de Léonore Confino. Qu’est-ce qui vous anime ?M. L. Le besoin que les autres me renvoient quelque chose, le besoin de se sentir aimé… De l’égoïsme aussi, il faut l’avouer. Je fais ce métier par plaisir, le plaisir d’être ému.
Une émotion, c’est comme une fleur qui pousse au milieu du travail.
Ce n’est qu’en étant soi-même touché qu’on peut ensuite toucher le public. Je vais chercher mes personnages au plus profond de moi. Je n’ai pas besoin de gouttes dans les yeux pour pleurer. Mes larmes, je sais où les trouver… Je puise dans mon être, dans ma mémoire.
Le 2 avril marque la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Vous êtes engagé auprès du Papotin, un journal réalisé par les jeunes autistes de l’hôpital de jour d’Antony (Hauts-de-Seine). Parlez-nous de cette aventure.M. L. Je suis Le Papotin depuis plus de vingt-trois ans, je participe régulièrement aux conférences de rédaction. Aujourd’hui, ce journal n’a plus d’argent et je veux le relancer. Si Le Papotin meurt, c’est une partie de moi qui meurt. Il doit survivre car il est utile à notre société. Les jeunes autistes ont un rapport à la réalité très différent. Moi, par exemple, ils m’apprennent à ne pas me prendre trop au sérieux et c’est un véritable bienfait, car j’ai toujours manqué d’humour sur moi-même. Ils m’obligent à me laisser surprendre par des émotions que j’ai déjà connues, mais que la vie m’a forcé à enfouir en grandissant. C’est une part d’enfance, que je veux garder.