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Musique : Pierre Akendengué, l’homme libre - L'Afrique qui sort de l'esclavage
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Pearl Admin
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Sujet: Musique : Pierre Akendengué, l’homme libre - L'Afrique qui sort de l'esclavage Mar 1 Mar - 13:15
Gabon – Musique : Pierre Akendengué, l’homme libre Publié le 01 mars 2016 Par Xavier Bourgois
Avec le sourire et sans compromis, le chanteur continue de pointer du doigt les puissants et les profiteurs. S'il est fatigué par l'âge, le vieil okambi garde un œil sur la jeune génération et n'entend pas abdiquer de sitôt.
Le géant est fatigué. Il ne danse plus autant qu’avant. Assis sur une petite chaise recouverte d’un drap blanc, il se fait discret. Face à lui, une foule qu’il ne voit pas : ses yeux aussi sont fatigués. Elle l’applaudit. Il lui demande de se taire, au moins une minute, pour les victimes du terrorisme dans le monde. Et voici qu’avec une guitare toute simple de bois clair, le vieux chantre du panafricanisme entonne une chanson que tout le monde connaît au Gabon : Considérable. Une chanson qui parle d’exil, d’aliénation, de modernité, de religion, de canons, de frontières, et, par-dessus tout, de liberté.
Dans la salle de l’Institut français de Libreville, chaque punchline du poète est applaudie. Il n’a rien perdu de sa verve et, même assis, sa voix forte et limpide – dont Nougaro disait qu’elle « tremble comme une étoile » – parvient à occuper tout l’espace. Il continue de pointer du doigt les puissants, les profiteurs et les oppresseurs comme il l’a toujours fait : avec le sourire et sans compromis. En face, le public répond par de grands éclats de rire et des tonnerres d’applaudissements. Il n’a pas changé, et clôt son concert par un petit appel du pied au président gabonais Ali Bongo Ondimba, s’étonnant qu’au Gabon il n’existe pas de limitation du nombre de mandats présidentiels…
Pierre Claver Akendengué. Chaque fois qu’il se produit sur scène, on dit de ce vieil okambi – comme on désigne au Gabon les griots – que ce concert sera son dernier. Mais l’increvable Pierre est toujours là, avec ses 20 albums et dix fois plus de chansons qui ont largement traversé les frontières du Gabon. Pour le rencontrer, il suffit d’aller chez lui. Une maison toute simple, au bout d’une petite ruelle de terre du quartier populaire des Charbonnages, à Libreville. Là, à l’ombre de sa terrasse, une radio entre les mains, le conteur profite des derniers instants de fraîcheur de la matinée. Affaibli par des ennuis de santé, il ne sort que très rarement de chez lui, et n’accorde que peu d’entretiens à la presse. La gloire – qu’il a effleurée tout au long de sa carrière sans jamais vraiment l’atteindre – ne semble pas l’intéresser, et lorsqu’il parle des récompenses obtenues au long de sa carrière, il finit souvent sa phrase par « je ne sais pas bien pourquoi on m’a donné ça ». Bach et les percussions africaines
Pourtant, dans sa discographie, certains albums sont loin d’être passés inaperçus, comme Lambarena, un disque magistral réalisé avec près de 300 musiciens et chanteurs, mêlant au répertoire de Bach des chants et des percussions africaines. Depuis Le Petit Conservatoire de la chanson, émission à laquelle il participe à l’âge de 22 ans, et son premier album, en 1974, le chemin parcouru a été long, sinueux, et parfois dramatique. Arrivé au milieu des années 1960 en France pour ses études, Akendengué ne rentrera qu’en 1985 au Gabon à l’issue d’un exil dont il était lassé. Mais dans le Gabon d’Omar Bongo Ondimba, resté quarante-deux ans au pouvoir, Akendengué n’a pas toujours été le bienvenu, et sa musique fut longtemps interdite d’antenne.
Tantôt en français, tantôt en myéné, la langue de son ethnie, Akendengué a toujours su jouer des contes ancestraux pour faire passer son message social et politique. Il n’aime pas qu’on le dise, mais celui que la critique française a régulièrement appelé le Bob Dylan africain apparaît aujourd’hui comme l’un des pères de la chanson contestataire africaine.
« L’artiste doit prendre sa part de responsabilité. » « Là d’où je viens, on ne te demande jamais comment tu t’appelles, mais on te demande : « Comment t’appelle-t-on ? » C’est le jugement des autres qui dit que je suis un chanteur engagé », commence par se défendre « Tonton », l’air un peu contrarié, avant de se lancer dans un plaidoyer en faveur de l’engagement artistique.
Dans le Gabon d’Omar Bongo Ondimba, Akendengué n’a pas toujours été le bienvenu, et sa musique fut longtemps interdite d’antenne
« Je pense profondément que l’artiste doit prendre sa part de responsabilité par rapport au corps social. Pendant longtemps, l’artiste africain était confiné dans un rôle d’amuseur. La mission du musicien africain, c’était de faire danser. C’était quand même curieux parce que, pendant que la minorité blanche d’Afrique du Sud sévissait contre la majorité noire, qui croupissait dans la misère, les artistes croyaient que leur seule mission, c’était de faire danser », raconte celui qui combattit l’apartheid avec sa musique et un album, Espoir à Soweto, en 1988.
« La musique qui avait cours quand j’ai commencé à chanter, c’était la rumba congolaise, le cha-cha-cha, les choses comme ça. Et je crois que c’est comme ça que les journalistes et les critiques d’art en France ont commencé à dire de moi que j’étais un chanteur engagé », poursuit le chanteur, qui, bien que critique, est toujours resté en dehors du champ politique : « Il y a tous les problèmes que nous connaissons ici, une misère qui s’aggrave de jour en jour et un manque de véritable démocratie, […] et les gens qui parlent sont identifiés comme étant nécessairement des opposants, alors qu’ils ne disent que ce qu’ils voient. »
_________________ « Tu es grand, Seigneur, et louable hautement… Tu nous as faits pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en Toi » (saint Augustin).
Musique : Pierre Akendengué, l’homme libre - L'Afrique qui sort de l'esclavage