Seule avec le SEUL !

Sœur Véronique, ermite, une vie offerte au Seigneur à Saint-Alexandre


Depuis 1970, l'ancienne professeure vit dans son ermitage de Notre-Dame-des-Vignes. Seule, mais avec le Seigneur.

Elle habite à deux pas de la civilisation, à deux pas du centre de la petite commune de Saint-Alexandre, non loin de Pont-Saint-Esprit. De son fauteuil, Sœur Véronique, ermite depuis 43 ans, entend les voitures sur la route départementale qu'empruntent les jeunes pour aller au Toto Club. Pourtant, dans son ermitage Notre-Dame-des-Vignes, c'est le silence qui domine. Un silence intérieur, celui qui habite l'esprit de la religieuse, à la vie simple et au bonheur communicatif. 84 ans, une chevelure blanche, une élocution parfaite et une réflexion avisée sur la société. Non, l'érémitisme et ce besoin viscéral de silence ne sont pas un moyen détourné de fuir ses méandres. "L'actualité ne me plaît pas beaucoup, le monde ne va pas très bien. Mais la société, on l'assume. Il y a toujours eu du beau et du moins beau. La différence, c'est qu'avec les moyens de communication, on connaît désormais le moins beau."

Elle reçoit des personnes en difficulté

Sœur Véronique, native de Haute-Savoie, en sait quelque chose. Régulièrement, elle reçoit chez elle des personnes en difficultés, qu'elle aide par la parole, l'écoute. Catholiques ou non, peu importe, elle leur offre la même bienveillance, la même empathie. "Je discute avec elles, je les sors de leur quotidien difficile. Je les conduis vers le Seigneur. Du moment que les gens sont droits, Dieu les aime un jour ou l'autre."

Elle passe par un monastère trappiste avant d'arriver près de Pont

C'est cet amour inconditionnel pour le Seigneur qui a mené Sœur Véronique, Bernadette de son vrai nom, à rentrer dans les Ordres. "Quand j'étais jeune, il n'y avait que le Seigneur qui m'intéressait, explique celle qui, enfant, s'échappait du domicile familial au petit matin, un morceau de pain et de chocolat dans la poche, pour aller à la messe avant le collège. J'ai été longtemps étudiante, en histoire, en lettres, en recherche médicale. Puis j'ai rejoint un monastère de trappistes en Isère, les plus silencieux." Une vie très solitaire, encore plus solitaire, l'appelait. "Je croyais que ça n'existait pas." Jusqu'à ce qu'elle découvre que la vie érémitique refleurit en Occident.

Elle quitte le Monastère. "C'est vrai que je m'étais créé des relations, mais ce n'est pas comme dans le monde, on sait que ça ne doit pas durer." Elle passe plusieurs “entretiens” jusqu'à ce que sa vocation soit reconnue authentique. Direction donc Pont-Saint-Esprit, où vivent des amis. "J'ai parcouru la région avec eux. Quand on est passé devant ce petit cabanon, j'ai dit “Arrêtez-vous, c'est ici” . J'ai eu l'intuition profonde que le Seigneur voulait que ce soit là."

Là, c'est sa demeure. Un modeste cabanon en bois, qu'elle louera pendant un an, dans des conditions rudimentaires. "Je vivais sans électricité, mais j'étais heureuse comme tout avec ma lampe à pétrole. Au bout d'un an, en 1971, je l'ai acheté et j'ai tout fait refaire."

Un état de prière continu

Sœur Véronique reformule ses vœux devant l'évêque de Nîmes et devient une ermite reconnue, dépendant du diocèse. Bien loin des clichés des religieux, retirés au fond d'une grotte et priant la tête entre les mains. "Être ermite, c'est la grâce particulière de vivre uniquement avec Dieu." C'est autour de lui que s'organisent ses journées. D'ailleurs, la vieille dame en parle comme s'il était dans la pièce, où elle a fait aménager un oratoire et un autel. "Parfois, je lui dis “Seigneur, vous êtes dans d'immenses cathédrales où les gens se pressent par centaines, mais vous êtes aussi ici. Et partout, vous êtes le même", dit-elle avec un sourire qui en dit long sur la quiétude qui l'habite.

Comme au monastère, la religieuse se plie avec plaisir aux sept offices quotidiens - vigiles, matines, laudes, tierce, sexte, none -, durant lesquels elle lit les psaumes, 150 par semaine. Le reste du temps, "c'est un état de prière continu" et du jardinage pour entretenir l'hectare de terrain. "C'est une vie dure vous savez. Il faut réussir à sauver sa solitude et puis il faut vivre." Celle qui a été professeur d'histoire au collège Saint-Jean à Bagnols touche désormais une petite retraite.

Elle espère trouver un successeur

Aujourd'hui fatiguée, Sœur Véronique songe au futur proche et s'est déjà trouvé une maison de retraite, à Bourg-Saint-Andéol. "J'ai juste assez d'argent pour me l'offrir. Puis ce sera le grand saut “ de l'autre côté”, où ce sera encore mieux. Car la vraie vie commence après."

Ses cendres seront enterrées dans son jardin, à côté de la statue du Sacré-Coeur, léguée par des religieuses bagnolaises. Elles accompagneront sa successeur, car Sœur Véronique espère bien qu'une autre ermite viendra perpétuer l'ermitage Notre-Dame-des-Vignes.

"Je trouverais. Si le Seigneur m'a fait arrêter là, c'est qu'il a de la suite dans les idées !"