Ça s’est passé un Lundi Saint…
Ce lundi soir, le président cherchait nerveusement dans ses poches quelques menues monnaies pour jeter à la foule en colère. Il savait par avance que ça ne suffirait pas pour ramener le calme. On se disputera les quelques sous jetés à ces appétits exacerbés. Il hésite. Il compte et il recompte ce qu’il s'apprête à donner. Il imagine déjà la déception de ceux qui ne recevront rien, la jalousie de ceux qui auront moins, la révolte de tous ceux qui estimeront que ce n’est pas assez. Il reste une minute avant l’heure fatidique où il a promis de parler. Il se dérobe. Il corrige un mot du discours, change un chiffre, souligne une phrase. Il a l’impression que c’est une allumette qu’il va jeter par la fenêtre et que tout va lui exploser à la figure. Tout à coup, une main tombe sur son épaule. Il se retourne et ne voit personne. Il entend seulement une voix forte qui lui dit. « Tais-toi, moi je vais leur parler. Je sais ce qu’il leur faut. » Et sans scrupule il met le feu à Notre Dame. Alors la foule se tait. Elle se recueille. Elle pleure. Elle prie. Les émeutiers se taisent. Les riches donnent et les pauvres tout autant. La foi qu’on croyait morte se met à bouger. Paris est le cœur de l’humanité. La France assume son histoire et retrouve sa mission.
Il faut reconstruire, dit le président. Ce dont nous avons besoin ce n’est pas tant d’un temple mais de quelque chose à construire ensemble. Reconstruire Notre Dame n’est pas une affaire d’architectes et de charpentiers. C’est l’affaire d’un peuple capable de retrouver le souffle qui a lancé ce vaisseau dans l’histoire, ce pays dans la civilisation, cette République dans la fraternité. Qui a parlé a l’oreille du Président ? Dieu lui même ? Tout simplement Antoine de Saint-Exupéry dans Citadelle : « Ainsi me parlait mon père : Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette leur du grain. »
_________________
« Tu es grand, Seigneur, et louable hautement… Tu nous as faits pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en Toi » (saint Augustin).