Le pèlerinage, miracle marketing de l’Eglise
Bernadette SAUVAGET 15 août 2013 à 22:16
En mêlant visites guidées et religion, le père Ronan de Gouvello veut attirer le plus de vacanciers possible.
Un million de touristes chaque année. Mais seulement 30 000 pèlerins.
Si, au Moyen Age, Rocamadour, sanctuaire dédié à la Vierge Marie dans le Lot, fut l’un des pèlerinages les plus fréquentés de la chrétienté, le village d’une beauté à couper le souffle est désormais en partie aux mains des marchands du temple.
Dans la rue principale, les boutiques se succèdent. «Je n’ai rien contre les commerçants. Quoi qu’il en soit, Rocamadour n’existe - c’est évident - que parce qu’il y a le sanctuaire», affirme Mgr Norbert Turini, l’évêque du diocèse de Cahors dont dépend le sanctuaire marial.
Vibrionnant. Le responsable catholique n’a pas l’esprit chagrin ni grincheux. Pragmatique, plutôt. Quand il est arrivé en 2004 à la tête du diocèse, il a d’emblée souhaité redonner du lustre à la présence de l’Eglise catholique dans ce lieu. «La première fois que je suis venu à Rocamadour, raconte-t-il, j’ai vu une foule qui courait dans tous les sens, si je puis dire. Ce qu’il fallait, c’était expliquer à ces gens la signification du lieu, qu’ils repartent avec une sorte de supplément d’âme. Je raisonne en termes de sens et de gratuité.»
Mais les choix de Mgr Turini relèvent aussi d’une «politique» spirituelle. Ce qui se passe à Rocamadour est emblématique d’une nouvelle façon de fonctionner de l’Eglise catholique.
La fuite des fidèles et la chute drastique du nombre de prêtres l’obligent à abandonner peu à peu son ancien modèle des paroisses et à renforcer sa présence dans des hauts lieux spirituels, comme à Rocamadour. Il y a huit ans, Mgr Turini a donc donné les clés du sanctuaire au vibrionnant père Ronan de Gouvello, en charge de «renouveler le pèlerinage». «J’aime son audace», dit de lui son évêque. Un brin hyperactif, ce prêtre de 42 ans en fait à peine 30. «Je crée de l’événementiel. Ce qui m’intéresse, ce sont les 97% des visiteurs de Rocamadour qui ne sont pas des pèlerins», affirme tout à trac Ronan de Gouvello.
En 2008, il a organisé un pèlerinage de bateaux sur la Dordogne. Cette année, il a fêté le «millénaire» du pèlerinage. Mille ans, bien difficile de le dire. Il n’y a pas eu de date précise de démarrage. On sait seulement avec certitude qu’au XIe siècle le sanctuaire était très fréquenté. Les foules venaient ici solliciter une vierge noire censée dispenser des miracles, notamment pour les femmes infertiles. Pour mener son action et récolter des fonds, Ronan de Gouvello a misé sur le mécénat et créé un club «millénium» de donateurs, où le droit d’entrée s’élève à 2 000 euros.
Coqueluche. A Rocamadour, le prêtre est devenu une sorte de coqueluche, surtout auprès des jeunes. En s’appuyant sur un réseau de plusieurs centaines de bénévoles venant de toute la France, il a rodé une organisation efficace de visites où se mêlent informations touristiques et catéchèse.
Lui-même, tous les soirs de juillet et d’août, à 22 heures, il s’y colle, entraînant à chaque fois dans son sillage 200 à 300 personnes. «Ce sont les campings de la région qui débarquent», explique un bénévole. Dans tous les cas, cela représente un auditoire pour dispenser la bonne parole. Efficace, Ronan de Gouvello intrigue aussi, même parmi ses collègues prêtres du Lot. Longtemps en jeans, il a décidé, en janvier, de porter la soutane. «Je ne suis pas un traditionaliste», jure-t-il. Son évêque n’y voit pas malice. «Ce n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai moi-même jamais porté la soutane», affirme Mgr Turini. Mais, depuis quelque temps, les prêtres en soutane sont de plus en plus visibles à Rocamadour.
Bernadette SAUVAGET
Le pèlerinage, miracle marketing de l’Eglise
Bernadette SAUVAGET 15 août 2013 à 22:16
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ANALYSE En mêlant visites guidées et religion, le père Ronan de Gouvello veut attirer le plus de vacanciers possible.
Un million de touristes chaque année. Mais seulement 30 000 pèlerins. Si, au Moyen Age, Rocamadour, sanctuaire dédié à la Vierge Marie dans le Lot, fut l’un des pèlerinages les plus fréquentés de la chrétienté, le village d’une beauté à couper le souffle est désormais en partie aux mains des marchands du temple.
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Dans la rue principale, les boutiques se succèdent. «Je n’ai rien contre les commerçants. Quoi qu’il en soit, Rocamadour n’existe - c’est évident - que parce qu’il y a le sanctuaire»,affirme Mgr Norbert Turini, l’évêque du diocèse de Cahors dont dépend le sanctuaire marial.
Vibrionnant. Le responsable catholique n’a pas l’esprit chagrin ni grincheux. Pragmatique, plutôt. Quand il est arrivé en 2004 à la tête du diocèse, il a d’emblée souhaité redonner du lustre à la présence de l’Eglise catholique dans ce lieu. «La première fois que je suis venu à Rocamadour, raconte-t-il, j’ai vu une foule qui courait dans tous les sens, si je puis dire. Ce qu’il fallait, c’était expliquer à ces gens la signification du lieu, qu’ils repartent avec une sorte de supplément d’âme. Je raisonne en termes de sens et de gratuité.»
Mais les choix de Mgr Turini relèvent aussi d’une «politique» spirituelle. Ce qui se passe à Rocamadour est emblématique d’une nouvelle façon de fonctionner de l’Eglise catholique.
La fuite des fidèles et la chute drastique du nombre de prêtres l’obligent à abandonner peu à peu son ancien modèle des paroisses et à renforcer sa présence dans des hauts lieux spirituels, comme à Rocamadour. Il y a huit ans, Mgr Turini a donc donné les clés du sanctuaire au vibrionnant père Ronan de Gouvello, en charge de «renouveler le pèlerinage». «J’aime son audace», dit de lui son évêque. Un brin hyperactif, ce prêtre de 42 ans en fait à peine 30. «Je crée de l’événementiel. Ce qui m’intéresse, ce sont les 97% des visiteurs de Rocamadour qui ne sont pas des pèlerins», affirme tout à trac Ronan de Gouvello.
En 2008, il a organisé un pèlerinage de bateaux sur la Dordogne. Cette année, il a fêté le «millénaire» du pèlerinage. Mille ans, bien difficile de le dire. Il n’y a pas eu de date précise de démarrage. On sait seulement avec certitude qu’au XIe siècle le sanctuaire était très fréquenté. Les foules venaient ici solliciter une vierge noire censée dispenser des miracles, notamment pour les femmes infertiles. Pour mener son action et récolter des fonds, Ronan de Gouvello a misé sur le mécénat et créé un club «millénium» de donateurs, où le droit d’entrée s’élève à 2 000 euros.
Coqueluche. A Rocamadour, le prêtre est devenu une sorte de coqueluche, surtout auprès des jeunes. En s’appuyant sur un réseau de plusieurs centaines de bénévoles venant de toute la France, il a rodé une organisation efficace de visites où se mêlent informations touristiques et catéchèse.
Lui-même, tous les soirs de juillet et d’août, à 22 heures, il s’y colle, entraînant à chaque fois dans son sillage 200 à 300 personnes. «Ce sont les campings de la région qui débarquent», explique un bénévole. Dans tous les cas, cela représente un auditoire pour dispenser la bonne parole. Efficace, Ronan de Gouvello intrigue aussi, même parmi ses collègues prêtres du Lot. Longtemps en jeans, il a décidé, en janvier, de porter la soutane. «Je ne suis pas un traditionaliste», jure-t-il. Son évêque n’y voit pas malice. «Ce n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai moi-même jamais porté la soutane», affirme Mgr Turini. Mais, depuis quelque temps, les prêtres en soutane sont de plus en plus visibles à Rocamadour.
Bernadette SAUVAGET
http://www.liberation.fr/societe/2013/08/15/le-pelerinage-miracle-marketing-de-l-eglise_925049 - Liberation a écrit:
- Un million de touristes chaque année. Mais seulement 30 000 pèlerins.
eh bien, 30 000 pelerins, c'est enorme !! et ce n'est qu'un RE commencement.....ALLELUIA !!!